Fiscalité et enjeux de pouvoir dans le monde romain, 2 volumes

Tomes 1 et 2
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Dans l'Antiquité, en dehors des situations de crise, l'impôt était considéré comme la caractérisation des peuples vaincus ou encore l'affirmation d'un lien de dépendance. Si la République romaine en expansion impose effectivement un tribut aux peuples et nations qu'elle incorpore tout en exonérant ses citoyens, nous assistons sous l'Empire à une mutation progressive : Rome cherche à accréditer l'idée qu'elle apporte la paix et la prospérité en echange de l'entretien de ses armées et de ses classes dirigeantes, au sein d'un contrat politique et social qui se veut consensuel. En ce sens, elle invente le concept de fiscalité en Occident. Pourtant, la juxtaposition de privilèges géographiques ou statutaires réduisent l'efficacité du mode de prélèvement.,Seuls l'acquisition de provinces riches en métaux précieux, comme l'Espagne et la Dacie, et le contrôle de l'Egypte, grenier à blé du monde méditerranéen, permettent le maintien de ce système globalement peu confiscatoire. L'equilibre repose alors sur l'adhésion de classes provinciales, obtenue au moyen de la dévolution à leur profit d'une large proportion de la rente fiscale. Les armées, détentrices du monopole de la violence légale, peuvent être tentées d'accéder aux principales sources de pouvoir et de la richesse en plaçant leurs chefs à la tête de l'Empire et deviennent de cette manière la principale source d'instabilité. Elles sont des ce moment neutralisées par une politique visant à les réduire numériquement au strict minimum requis par la défense des territoires impériaux. Ce modèle de gouvernement nécessite la conjonction de deux facteurs : d'une part la faiblesse ou l'inorganisation des voisins de l'Empire, et d'autre part l'afflux continu de métaux précieux. Mais des signes d'essoufflement se manifestent dès le dernier tiers du Ile siècle : le niveau de l'exploitation minière baisse sensiblement, tandis que les progrès de l'organisation militaire des voisins de Rome au Nord entrainent un surcroît de mobilisation humaine. Il est probable qu'une véritable déflation monétaire se soit développes durant cette période dans le cadre d'un systeme bimétallique où l'argent se raréfie par rapport à l'or. Un manque relatif de monnaie pourrait avoir nui aux transactions courantes, pendant que les plus grands patrimoines se trouvaient relativement immunisés du fait de leur lien à la monnaie d'or. Accroître la pression fiscale est rendu simultanément plus difficile après l'épisode de la « peste antonine », qui aurait éliminé jusqu'à un cinquième de sa population. L'accroissement des effectifs et de la paie des armées entraine alors le pouvoir romain vers une véritable expérience de fiduciarité monétaire. Le développement progressif d'un monnayage de billon permet aux Sévères de porter l'Empire à son apogée effective sans veritablement modifier le système fiscal et se révèle un succès indéniable durant tout le premier tiers du Ille siècle, malgré le danger d'une fuite en avant. La « crise du Ille siècle » éclate finalement dans les années 250-275, marquant probablement les limites de ce que peut obtenir une dépréciation monétaire accélérée en l'absence de revenus fiscaux adéquats. Les relations entretenues entre « l'union monétaire » impériale et le système fermé fonctionnant en Égypte permettent de préciser les étapes menant à la désagrégation de l'économie monétaire plus qu'à une periode d'inflation. La réforme de Dioclétien représente à la fin du siècle l'aboutissement logique d'un processus où les différentes solutions permettant de ne pas heurter de front les intérêts des classes intermédiaires auront été successivement essayées. La fiscalité qui en est issue n'est guère plus lourde, tout au moins de manière unitaire. C'est par une mise à plat de l'ensemble des exemptions et régimes d'exception qu'elle parvient à un niveau plus élevé de mobilisation des ressources. De nombreux indices démontrent que ce résultat est obtenu dans un contexte général de prospérité retrouvée, notamment et surtout dans la partie orientale de l'Empire. Cette évolution laisse des gagnants et des perdants et l'ampleur même de l'opposition, dont la littérature nous a conservé une partie des thèmes, démontre le succès indéniable des empereurs du Ive siècle. Mais le principal danger menaçant la cohésion de l'Etat romain provient de l'intérieur : si la barbarisation progressive de l'armée la place momentanément hors du jeu politique, la mise en place d'une administration loyale ne réussit pas partout. Dans le vide qui se créé parfois, l'aristocratie foncière, notamment à l'Ouest, occupe une place grandissante obtenue aux dépens de domaines impériaux dont la gestion traverse une crise structurelle à partir des années 370. À l'issue d'une période de confrontation entre autorités centrales et locales, où le contrôle de la croyance religieuse devient un enjeu politique global, des divergences apparaissent entre les deux moitiés de l'Empire. En Orient, la machine fiscale fournit les ressources permettant de survivre à la grave destruction de l'armée de campagne à Andrinople. Cet effort échoue en Occident, confronté à une décrue démographique dès le milieu du IVe siècle et ne retrouvant jamais son niveau du Ile siècle. La pression de contraintes malthusiennes aurait été aggravée par les conséquences de l'uniformisation du système fiscal. L'Orient bénéficie au contraire de l'accélération du mouvement multiséculaire de rattrapage entamé plus tardivement qu'en Occident à la fin du ler siècle. Ceci entraîne un défi logistique difficile à résoudre, car la menace militaire se matérialise essentiellement dans des régions éloignées des provinces les plus prospères. Au même moment, la découverte probable de nouvelles sources d'or dans les Balkans profite à l'Orient, qui n'hésite pas à l'utiliser pour détourner vers l'Occident les menaces les plus sérieuses. La survie, la reconquête ultérieure dé l'Ouest, puis la transformation subie par l'Empire de l'Est témoignent alors du degré d'efficacité atteint par l'Etat. Nous démontrons donc les éléments suivants : - l'histoire économique de l'Antiquité ne constitue pas une réalité statique, mais dynamique, au même titre que celle du monde moderne - le partage de la rente fiscale représente l'enjeu principal des conflits politiques agitant les différents groupes de pouvoir de la Rome impériale - l 'histoire monétaire de Rome est intimement liée aux évolutions fiscales - le Ille siècle représente une expérience de fiduciarisation monétaire unique pour cette période et à cette échelle - la pression fiscale au IVe siècle ne s'accroit essentiellement que par son universalité - le IVe siècle voit apparaître l'utilisation politique et idéologique de l'arme fiscale au sein de conflits d'un type nouveau, notamment religieux - à son apogée au Vle siècle, l'Empire d'Orient atteint un niveau d'efficacité financière qui ne se retrouvera plus en Occident avant les Temps Modernes Pour conclure, nous espérons avoir contribué à jeter les bases d'une véritable économie politique du monde romain.
EAN 9782729587376
ISBN 978-2-7295-8737-6
Date de parution 15/11/2010
Type d’ouvrage Thèses
Support Livre
Langue Français
Auteur(s) Gilles Bransbourg
Editeur Atelier National de Reproduction des Thèses - A.N.R.T.
Thème Droit > Théorie / Sociologie / Histoire / Philosophie / Histoire du droit > Histoire du droit
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