L'épisode Millerand (1920-1924)

Il y a un siècle, en 1924, une grave crise politique aboutissait à la démission forcée du Président de la République Alexandre Millerand sous la pression des députés du Cartel des Gauches. Cette crise constitutionnelle découlait directement de la pratique présidentialiste mise en oeuvre par le chef de l'Etat depuis son accession à l'Elysée en septembre 1920. Depuis trois ans et demi, en rupture avec la conduite de ses prédécesseurs depuis Jules Grévy, Millerand entendait redonner toute son importance à la fonction présidentielle et voulait faire de l'Élysée un des centres principaux, avec les assemblées, de la vie politique nationale.
Dès avant son élection et pendant son mandat, Millerand s'attacha à préciser et à justifier, à travers ses discours et écrits, tant sa manière d'exercer ses fonctions que ses propositions de révision constitutionnelle. Il s'agit, dans cet ouvrage, de présenter les discours et écrits constitutionnels d'Alexandre Millerand qui ont la particularité d'allier une réflexion théorique dense, directement nourrie de l'attention portée par Millerand aux constitutionnalistes de son temps, comme Hauriou, Duguit ou Carré de Malberg, et l'expérience politique d'un homme qui fut successivement, sous la Me République, ministre, président du Conseil et chef de l'État.
Une partie de ces textes : extraits des Souvenirs non publiés de Millerand, correspondance personnelle avec les grands auteurs du droit constitutionnel, tels Maurice Hauriou ou Léon Duguit, comme avec des figures politiques tel Raymond Poincaré, intervention à l'Institut, écrits tirés du fonds Millerand aux Archives nationales, sont inédits. L'autre partie de ces textes : allocutions importantes comme le discours de Ba-Ta-Clan en 1919 ou celui d'Évreux en 1923, messages présidentiels adressés aux assemblées en 1920 et 1924, articles publiés à l'époque, sont difficilement accessibles aujourd'hui.
Ces textes, trente-six au total, sont précédés d'une longue introduction visant à les mettre en perspective en analysant le contexte et les épisodes successifs de la présidence Millerand (1920-24), mais aussi en cherchant à en saisir la singularité en tant que tentative d'établir sous la IIIe République un « présidentialisme majoritaire » tel qu'il a pu se déployer, dans un contexte différent, sous la Ve République.

Jean-Félix de Bujadoux, docteur en droit de l'Université Paris-Panthéon-Assas, Chercheur associé au Centre Maurice Hauriou pour la recherche en Droit public - Université Paris Cité.