Le style du Général

En juin 1959, un an après le retour au pouvoir de De Gaulle, quelques mois après la fondation de la V^e République et l'accession du « plus illustre des Français » à la présidence de la République, Jean-François Revel, alors jeune intellectuel et journaliste de 35 ans, publie Le style du Général, que The Observer, à Londres, salue comme « le premier pamphlet antigaulliste de l'histoire de la V^e République ».

Un pamphlet ? Certes oui, car le réquisitoire est sévère sur la « manie de grandeur » d'un homme qui se considère comme une « incarnation perpétuelle de la France éternelle ». Mais il s'agit également d'une analyse approfondie de la langue du général De Gaulle, soulignant ses approximations et ses enflures, traduisant une pensée profondément conservatrice.

Antigaulliste ? Sans doute, puisque Jean-François Revel ne partage pas l'enthousiasme des thuriféraires du nouveau régime. Mais ce texte montre également en quoi De Gaulle est un maître virtuose dans l'art de gouverner par le verbe.

Voici donc un exercice de sémiologie politique et d'analyse stylistique qui, comme dévoilement de la pratique du pouvoir, n'a rien perdu de son actualité en ces temps où, cinquante ans après le retour de De Gaulle, un nouveau manieur ambigu des mots se trouve à la tête de la République.

Jean-François Revel (1924-2006), grand érudit, intellectuel passionné, pourfendeur du marxisme à la française comme du culte de la grandeur de la nation, fut l'une des plumes les plus stimulantes de la littérature d 'essai en France. A travers des livres comme Comment les démocraties finissent (Grasset, 1983) ou L'Obsession anti-américaine (Plon, 2002), il a imposé sa griffe et son intelligence. Membre de l'Académie française, disparu en avril 2006 à 82 ans, Le style du Général fut l'un de ses premiers essais, l'un des plus dévastateurs.