Les cahiers de la justice, 2025 N°2

Depuis la naissance des ordinateurs, le developpement de l'intelligence artificielle (IA) n'a pas cesse au point d'envahir tous les champs de l'activité humaine. La plus connue des IA est « l'IA générative » qui permet, grâce à des agents conversationnels (Chat bot comme Chat GPT ou Gemini de Google), de générer des contenus à partir de questions posées comme le montre l'image ci-dessus générée par l'IA.
Le champ juridique étant constitué par des textes articulés et numérisés est d'ores et déjà largement traversé par l'IA. Aujourd'hui les legal tech et éditeurs juridiques ont tous élaboré leurs propres agents conversationnels. Ce qui n'est pas sans bouleverser l'architecture de notre droit civil qui passe d'une structure pyramidale à un droit en réseau. Dans les métiers de la justice, la plus-value de l'IA commence à être identifiée : rédaction de documents standardisés, synthèse d'entretiens, trames de jugements, aide à la recherche (textes et jurisprudence), traductions... D'autres
expériences à la périphérie de l'acte de juger se développent parallèlement : tel l'usage de l'IA générative dans le but de prédire une décision de justice, d'orienter un dossier pénal, voire de rédiger un jugement standard.
Le défi qui est lancé par ses performances est à la hauteur d'une rupture anthropologique au sens où la puissance de l'outil peut frapper la pensée d'obsolescence. L'IA peut bouleverser les métiers du droit dont les frontières deviennent incertaines et l'existence menacée. Or, la puissance exclusivement calculante et combinatoire de l'IA ne permet ni évaluation qualitative, ni idées neuves, ni réflexion sur les données. Ces métiers ne sont-ils pas avant tout des métiers de la parole incarnée, de l'oralité, des émotions ? Voilà pourquoi il importe de tracer une ligne de partage entre les usages de l'IA et l'acte de juger. Ce qui suppose de se doter de chartes éthiques afin d'assurer un contrôle humain à toutes les étapes du développement de l'IA.