Les crimes environnementaux et l'innocence persécutrice

Paradoxe pour le moins étonnant, alors que même que les crimes contre l'environnement sont graves et génèrent beaucoup de victimes, seule une faible proportion de ces dossiers explosifs est véritablement saisie par les instances judiciaires. Qu'en est-il de la capacité des accusés à développer des argumentations crédibles aptes à convaincre autrui du bien-fondé de leurs actions, et donc de l'inutilité d'initier des procédures à leur endroit ? En mobilisant le concept de l'innocence persécutrice développé par Karl Krauss, nous cherchons à mieux saisir les dynamiques à l'oeuvre en matière de santé et de sécurité des travailleurs et en matière de protection d'écosystèmes fragiles. Quatre configurations contemporaines (Love Canal et Hooker, 1977, États-Unis ; Upper Big Branch, 2010, États-Unis ; la ville d'Östersund, 2010, Suède ; et Smurfit, 2012, France) permettent de mieux cerner les stratégies de défense accessibles aux infracteurs présumés, et de mieux saisir, aussi, les difficultés auxquelles les victimes sont confrontées lorsqu'elles sollicitent la justice à des fins d'indemnisation et de décontamination des lieux. Sans l'ombre d'un doute, dans le dessein de comprendre et de mieux expliquer le caractère récurrent des crimes environnementaux et de la mise en danger d'autrui lors d'activités reliées au travail, il apparaît opportun de cibler les conditions systémiques qui en favorisent l'émergence et la durée de même que les discours politiques et économiques qui justifient cette forme de criminalité. Louise Fines enseigne la criminologie (université d'Ottawa) tout en poursuivant ses recherches sur les crimes en col blanc.